Cet article est tiré de la monographie intitulé L’accompagnement des conseils citoyens par des Maisons des associations et écrit par Boris LANDSBERGER, Directeur de la Ruche Associative, et s'inscrit dans le cadre l’accompagnement des conseils citoyens par des Maisons des associations.
La Ruche AssociativeLa Ruche Associative est une maison des associations, également qualifiée de point d’appui à la vie associative (PAVA), implantée à Narbonne et qui agit sur le département de l’Aude depuis 2011.
L’animation des conseils citoyens de l’Aude Depuis 2015, la Ruche s’est fortement impliquée dans le portage et l’animation des conseils citoyens de l’Aude dans le cadre de la Politique de la Ville :
- les forums citoyens de Narbonne (Ouest, Est et Centre) pendant l’année 2015
- les conseils citoyens de Carcassonne sur les quartiers du Viguier-St Jacques, de La Conte-Ozanam et de Grazailles de janvier à décembre 2016
- le conseil citoyen de Limoux depuis juin 2016
Effectué en étroite collaboration avec la SCICSAPIE, le travail d’animation de la Ruche auprès des conseils s’est principalement focalisé sur la compréhension du Contrat de Ville, le lien avec les institutions, l’analyse de la situation du quartier, la structuration des groupes (rédaction des Chartes de fonctionnement, réflexion sur la création d’une association…) ainsi que la mise en place d’actions opérationnelles (outils de communication, enquête, marche exploratoire, …).
Il s’agissait de permettre au collectif conseil citoyen de fonctionner, de s’organiser et de se structurer afin de porter la parole des habitants auprès des institutions dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre du Contrat de Ville.
La démarche d’accompagnement s’appuie alors sur les valeurs et les notions suivantes :
- une approche maïeutique, dialectique avec l’objectif de faire émerger des réflexions et ainsi ouvrir le champ du possible.
- une approche participative, censée de créer un espace minimum de culture commune, de règles de vie de groupe, d’expression individuelle, de partage dynamique et conviviale.
- une approche qui vise l’empowerment, la capacitation des acteurs, la prise en main du conseil citoyen par les habitants.
- une démarche collaborative, permettant à tous de monter en compétences, d’usage des outils de communication et de concertation en ligne autant que hors ligne.
Un appui aux dynamiques citoyennesLorsqu’on lui demande ce que la participation lui évoque et quelle est l’accroche de La Ruche Associative avec cet enjeu sociétal, Boris LANDSBERGER, directeur de l’association, nous répond spontanément en s’ancrant dans le projet associatif de sa structure :
« Statutairement, La Ruche a pour mission de promouvoir, stimuler, appuyer des initiatives citoyennes et le statut associatif est une manière de formaliser une initiative citoyenne. En tant que Maison des associations, que lieu ressources, il y a cette volonté d’être disponible pour venir en appui des dynamiques citoyennes (…) »
« Donc pour nous, la logique de participation, c’est justement être moteur dans le fait que le citoyen peut participer à la vie sociale, la vie de son territoire, et s’organiser ensuite avec le statut associatif pour porter un projet. L’association est l’outil par excellence de la participation, la loi 1901 est un outil des plus fabuleux et encore innovant de la participation citoyenne. »
Elle se positionne donc sur l’animation des conseils citoyens en cohérence avec son action d’accompagnement des dynamiques citoyennes ; le positionnement n’est pas lié à un ancrage territorial ou à une intervention présente déjà circonscrite aux territoires de la Politiques de la Ville.
Des repères bouleversés et une vigilance particulièreBoris LANDSBERGER, nous rappelle qu’en tant que professionnel œuvrant au sein de réseaux sectoriels, ou comme acteur de territoire, certains repères tacites existent préalablement
au niveau des individus, et ils peuvent disparaître avec les habitants :
« On a pris l’habitude de travailler avec des structures professionnelles, ou semi-professionnelles (…), et là on travaille avec des habitants qui n’ont pas l’habitude du formalisme, de compte-rendus ; on parle de choses très simples comme caler une réunion ensemble, prendre la parole à son tour, être à l’aise dans l’expression... »
Il cite également des repères sur le contexte : « une association, elle a son projet, ses fonctionnements... on voit où elle en est, on peut se préparer à l’accompagner… La difficulté du conseil citoyen, c’est qu’il y a un cadre institutionnel fort, avec des notions et des politiques publiques qui ne sont pas faciles à maîtriser, comme le contrat de ville, la place du conseil citoyen au sein de l’ensemble des partenaires qui sont assez diversifiés. Donc tout ça pour une personne qui arrive et qui découvre, c’est très très lourd. »
Par ailleurs, il insiste sur le fait « qu’il ne faut sous-estimer le sentiment de méfiance et la prudence des habitants des quartiers prioritaires vis-à-vis des institutions et de ces outils de participation citoyenne. Les habitants sont souvent désabusés car ils estiment avoir déjà fait remonter leurs besoins aux pouvoirs publics, avoir déjà eu plein de promesses et puis rien ne se passe… Il
n’a pas toujours été évident de mobiliser les habitants, notamment les jeunes, autour des conseils avec une question qui revenait souvent ‘’A quoi bon m’investir dans
ce groupe puisque de toute manière rien ne change ?’’ »
Cette réflexion sur les repères qui se déplacent amène Boris LANDSBERGER à formuler une vigilance particulière dans l’animation du conseil citoyen : « Pour un habitant qui n’a, à la fois, pas l’habitude de participer à des réunions et qui est éloigné de la chose publique, c’est un grand bouleversement ! Et c’est là que notre rôle est approfondi, parce que le problème derrière, c’est qu’on sent qu’on a une double vitesse entre ceux qui sont bien aux faits, et des personnes qui ont besoin d’être accompagnées quasiment individuellement pour comprendre ces choses-là. Le grand risque, c’est de
faire que petit à petit, ils ne se sentent pas ‘’ en mesure ’’, ou un peu isolés… »
Il précise comment il fait vivre cette dimension importante de son rôle d’animateur : « Nous, on a été très vigilants de faire en sorte que tout le monde se soit bien approprié la question de la Politique de la Ville. » Ou encore : « j’essaie de les rappeler quand ils ont été absents pour les raccrocher à la prochaine réunion. » Mais il a conscience de la fragilité de son rôle : « Faut s’adapter mais aujourd’hui on est 7 ou 8 personnes au conseil citoyen, comment on ferait s’ils étaient 15 ou 20 ».
Les points forts de la MDAA travers des exemples vécus dans d’autres démarches collectives, Boris LANDSBERGER fait état de plusieurs éléments qui font le succès d’une démarche participative, sans pour autant les formaliser, ni les structurer :
« Pour moi c’est vraiment une question de temps, c’est l’interconnaissance » ou « ça a pris du temps, c’est le temps de bien se connaître », ou encore « il faut des temps de convivialité en parallèle du travail. » Autre point important, l’élément fédérateur : « (…) je pense que tout le monde s’est mis d’accord autour de ça. Il y a une cause commune très forte ». Or, on retrouve ces préoccupations, issues d’expériences passées de participation réussie, dans la manière qu’il a d’animer les conseils citoyens. Pour favoriser « l’empowerment », il est essentiel« d’alterner entre des responsabilités collectives (prise de décisions, organisation d’un évènement...) et des responsabilités individuelles, de manière à ce que chaque membre du groupe sente qu’il a un rôle à jouer, que chacun apporte quelque chose à son niveau et avec ses moyens, qu’il faut qu’il soit engagé pour que la dynamique fonctionne. » Il insiste aussi à plusieurs reprises sur la dimension fédératrice du travail de l’animateur dans un groupe qui peut connaître des doutes quant à sa portée réelle : « J’essaie de les persuader de leur utilité ; ils ont enfin un outil concret pour faire entendre leur parole au même titre que les élus et les services des collectivités », ou « je leur dis que c’est à eux de montrer que le conseil est un acteur incontournable de la Politique de la Ville. » Ainsi l’expérience capitalisée dans le secteur associatif permet à la Ruche associative de transférer spontanément des facteurs clés de succès dans l’animation du conseil citoyen.
Grille de positionnement de la Ruche Associative