Coopérer pour innover, tirer des enseignements de la crise sanitaire

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Cette analyse est issu des propos échangés lors de la table ronde "Coopérer pour innover" organisée en décembre 2020 par le RNMA dans le cadre de ses rencontres nationales sur le thème "Analyser l’impact de la crise sanitaire sur le monde associatif, les associations locales, et le métier des MDA".


Dès le premier confinement, en tant que réseau d’acteurs territoriaux, le RNMA a organisé de nombreux temps d’échanges entre professionnels pour permettre à chacun d’exposer les problématiques auxquelles il faisait face et comment il inventait de nouvelles solutions pour remplir son rôle envers les associations, dans un contexte bouleversé. Dans son rôle d’observateur privilégié des pratiques, le RNMA a repéré une tendance significative de nouveaux liens. En effet, beaucoup de MDA ont proposé des actions avec des partenaires avec qui elles n’avaient pas l’habitude de travailler et ont ainsi construit, par le croisement des expertises, de nouvelles réponses d’accompagnement aux besoins des associations. En collectivité, les services Vie Associative ont significativement plus collaboré avec d’autres services (financiers, solidarité, techniques) qui étaient à la recherche d’une connaissance fine de comment fonctionnent les associations, pour mieux les prendre en compte sur cette période où les solidarités locales ont été le seul rempart efficace face à de graves difficultés sociales.

Cette tendance a retenu notre attention et nous en avons fait un sujet de travail à travers le thème « Coopérer pour innover ». Lors de la conférence-débat dédiée, le sondage ci-contre a été adressé aux 40 participants, dont les résultats nous confortent dans l’intuition initiale:
Avez-vous eu l'impression, à votre échelle, d'avoir plus ou mieux coopérer depuis le début de la crise sanitaire ?Deux séquences de travail ont été abordées :
Témoignage de Jimmy Begue de la MDA de St Benoît quant à la plateforme collective d’information « Kaz Asso » sur le territoire de la Réunion ( lire ici)

Témoignage d’Emilie Mazeas et Guillaume Hardy quant au projet de re-créer des coopérations pour contrer les fragilités ressenties pendant la crise sanitaire (lire ici)

Témoignage de Christine Edel quant à l’expérience de transformation de la Ville de Mulhouse vers des politiques publiques participatives ( lire ici)

Témoignage de Valérie Fernandez quant au projet Martigues Solidaires, co-porté par la ville de Martigues et 6 associations de solidarité ( lire ici)


Débat et principaux enseignements quant aux mécanismes de coopération

Les interventions des quatre témoins ont illustré les innovations que leurs projets en coopération ont rendu possible. Les temps de débat organisés entre les interventions ont permis de faire ressortir les enseignements suivants.
La situation de crise nous a tous acculé au pied du mur, ce qui nous a rendus inventifs. Les témoignages ont montré qu’il a fallu trouver des manières de faire différentes, et donc innover. En effet, le contexte a rendu possible une nouvelle agilité et les professionnels ont osé jouer spontanément avec les limites de leur cadre : 
- en développant des actions qui leur semble entrer dans leurs missions mais sans attendre de validation hiérarchique, comme exprimé par Jimmy Begue: « j’intervenais dans le cadre de mes fonctions, ça faisait partie de notre cadre de compétence et de mission. Nous avons avancé en nous disant que c’était la réponse à apporter à ce moment, bien que nous étions un peu borderline, puisque nous intervenions au nom de nos structures sans forcément en avoir eu l’accord au préalable de notre CA ou bureau.»
- en se rapprochant de nouveaux partenaires opérationnels spontanément sans accord de la structure, selon les termes de Jimmy Begue : «  ça pourrait nous être reproché en nous demandant qui nous a donné l’autorisation, pourquoi nous sommes intervenue avec un tel alors que nous ne travaillons pas avec ces personnes-là habituellement. Il n’y a pas eu de soucis mais ça aurait pu car on était hors champs. »

De par la longue expérience de transformation de la ville de Mulhouse, Christine Edel nous interpelle ainsi : « cette capacité d’innovation est quelque chose qui peut se cultiver sur des périodes plus classiques, j’ai tendance à penser qu’il ne faut pas se le limiter aux périodes de crises. Il appartient à chacun de se dire que, très souvent, ça vaut le coup d’aller aux limites de son cadre pour inventer des choses qui lui semblent plus pertinentes. Souvent on se rend compte, qu’au regard de ce que ça produit, c’est accepté et bienvenu. »

L’émergence de groupes de travail entre plusieurs structures est déclenchée à un moment où on ressent le besoin de se parler pour mettre en commun des questionnements face à une problématique ; ces échanges commencent souvent de manière informelle et peu structurée. En revanche si l’impulsion des premiers temps permet de trouver de possibles axes de travail en commun, faire perdurer la dynamique va demander de lui donner une certaine structuration, au risque sinon de se diluer. Jimmy Begue en témoigne sur l’expérience de Kaz Asso : « à la fin du confinement, pour que ça perdure dans le temps alors que tout le monde est revenu en mode normal, il fallait qu’une structure prenne le relais, récupère le dispositif Kaz Asso et l’anime. Il fallait quelqu’un qui organise et structure, chose qui n’avait pas besoin d’être faite en temps de confinement où personne ne prenait le dessus. » 

A travers son expérience sur le collectif Lama qui regroupe une vingtaine d’associations des musiques actuelles, Loreline Vidal prolongeait le raisonnement : « Au début lé côté informel a bien marché mais il a été nécessaire pour pouvoir passer à l’action et mettre en place des projets concrètement ensemble, de créer une association avec un système de gouvernance horizontal et collégial. Il a fallu quelqu’un qui prenne le relais de porter le projet de coopération, créer une structure et agir en son nom pour interpeller la collectivité, agir pour et au nom du collectif et non plus de sa propre structure. Ca a aidé à passer à l’action. » 

Plusieurs scénarios de leadership sont possibles et dépendront à chaque fois du contexte. Dans l’expérience de Kaz Asso, l’animation entre les structures d’accompagnement a été naturellement reprise par le Mouvement Associatif de la Réunion, dont plusieurs structures d’accompagnement étaient aussi administratrices. Dans le cas du collectif Lama, la création d’une nouvelle association a répondu à l’enjeu. Mais il n’est pas toujours évident de trouver la bonne structuration, comme le montre Guillaume Hardy sur l’expérience de Quimper : « en tant que salarié de l’espace associatif, on était simplement dans cette posture de faire émerger de l’analyse collective, il ne s’agissait pas pour nous de nous positionner sur ce leadership mais de le retransmettre à une échelle qui nous semblait plus pertinente. Nous ne sommes pas plus légitimes que d’autres à animer l’existence locale d’un réseau horizontal, ce pourrait être le centre social du coin ou une autre association d’éducation populaire. (...) L’Espace Associatif, bien qu’il soit une association, est vu comme étant une structure institutionnelle malgré tout. C’est pourquoi il nous a semblé qu’on pouvait mettre en place des compétences d’intelligence collective, appuyer et accompagner des leader d’un mouvement mais sans s’affirmer comme leader nous-mêmes. On s’est alors mis un peu en retrait, ce n’est pas forcément non plus la solution ; peut-être est-ce une erreur de jugement de notre part mais néanmoins c’est notre parti pris. ». 

Ce sur quoi Christine Edel complétait par le point de vue suivant : « Il s’agit d’une question vraiment importante sur une approche de développement territorial et il est intéressant qu’on se la pose ensemble et qu’on la travaille pour avancer sur un territoire. Très souvent des partenaires divers qui campent sur certaines postures de collaboration ou non collaboration attendent que quelqu’un prenne un peu le leadership pour libérer les énergies. Je suis convaincue que si personne ne prend le leadership, la dynamique collective ne va pas fonctionner et avancer, et je trouve évident que la MDA a une légitimité pour fédérer des structures et les emmener collectivement vers la résolution de thématique de type solidarité. » 


Catégories
Co-construction et développement local

Typologies
Analyses & Théorie

Maisons
Maison de la vie associative de Martigues, Le Carré des Associations de Mulhouse, MDA de Saint-Benoît (La Réunion), Espace Associatif Quimper Cornouaille


Date de publication
10/12/2020

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