Cet article a été publié dans le cadre dans le cadre du dossier intitulé quand les Maisons des Associations accompagnent les quartiers. Il est écrit par Denis DHALLUIN, directeur de la MDA de Tourcoing ; Agathe DEFRETIN, chargée de mission Europe & Jeunesse à la MDA de Tourcoing ; Sarah DEROUET, chargée de mission Soutien, accompagnement, animation de réseaux et vie associative à la MDA de Tourcoing Sylvain SCAMPS, animateur et coordinateur à la MDA de Tourcoing et publié en 2018 dans la monographie ci jointe
Tourcoing, un accompagnement diversifié
- Histoire de la ville de Tourcoing et la Politique de la Ville
La Ville de Tourcoing et la Politique de la Ville, c’est une longue histoire !
Avec ses six quartiers prioritaires, Epidéme Villas Couteaux, La Bourgogne, Phalempins, Pont Rompu, Quartier Intercommunal Roubaix- Tourcoing - Blanc Seau - Croix Bas Saint Pierre, Virolois, le territoire est emblématique des enjeux des quartiers populaires. Dès 2014, La Ville a entrepris de vastes projets de rénovation urbaine. Et c’est le lieu qu’a choisi le Président Emmanuel Macron, en novembre 2017, pour dévoiler plusieurs mesures en faveur des quartiers Politique de la Ville (QPV) et appeler à une « mobilisation nationale pour la Ville et les quartiers ».
En tant qu’actrice majeure du territoire sur les aspects de citoyenneté, la Maison des associations de Tourcoing a naturellement développé des actions avec les habitants et les associations des quartiers Politique de la Ville. Elle est un partenaire du contrat de ville et souhaite agir concrètement pour renforcer le pouvoir d’agir des habitants du territoire. Si historiquement, l’action en faveur des QPV a été un axe transversal du projet de la Maison des associations, celle-ci souhaite aujourd’hui développer des projets spécifiques sur ce sujet. Elle a donc développé plusieurs actions qui s’articulent et forment, dans leur globalité, une réponse aux enjeux des quartiers.
- Accompagner la vie associative des quartiers
La MDA accompagne la vie associative sur le territoire tourquennois et au-delà. Elle assure une fonction de tête de réseau dans l’appui au développement de la vie associative locale et assure notamment la coordination des Points d’information à la Vie Associative (PIVA) dans le Nord. Dans cette logique, elle appuie donc la structuration et le développement des associations et collectifs de quartier. Ce travail est à la base du projet de la structure et constitue un élément essentiel du développement de la vie associative et de la citoyenneté dans les QPV. Soutenir les énergies et les dynamiques existantes dans les quartiers demande un appui régulier et un suivi des initiatives. Et il est primordial de varier les formes d’appui et de les conjuguer : rendez-vous individuels ou collectifs, formations, orientations et mises en réseau… Il s’agit d’embrasser un ensemble de sujets très divers allant de la gestion et l’animation du projet à la recherche de financements en passant par l’accompagnement à la fonction employeur le cas échant.
Cet accompagnement quotidien est la pierre angulaire du projet de la MDA car il soutient le développement de l’ensemble des autres actions. Cependant, cette fonction essentielle est aujourd’hui mal reconnue par les pouvoirs publics. Le développement du financement sur projets permet de développer des actions spécifiques et innovantes, mais il est nécessaire de pouvoir financer ces missions d’accompagnement qui font le socle du développement d’une vie associative épanouie dans les QPV.
La Maison des associations gère également le programme PIC pour Projets d’initiative citoyenne qui remplace le fonds de participation des habitants. Ce dispositif a pour vocation de soutenir des actions relevant des dynamiques de participation des habitants. Il s’agit donc de micro-projets portés par des collectifs d’habitants ou des associations pour promouvoir la citoyenneté dans les quartiers. Ces projets peuvent s’inscrire dans l’une des dix thématiques préalablement définies. Pour la Maison des associations, ce dispositif permet d’être au contact direct des habitants, pas uniquement ceux qui se constituent en association comme l’explique Denis DHALLUIN, directeur de la Maison des associations, « c’est une opportunité ! On a une visibilité sur tous les PIC, toutes les initiatives des habitants. » « Pour la MDA, ce dispositif permet d’être au contact direct des habitants, pas uniquement ceux qui se constituent en association ».
La Maison des associations a aussi une fonction d’intermédiation pour les jeunes qui souhaitent réaliser une mission de service civique dans une association. Et pour cela, elle essaie encore d’agir pour soutenir les QPV comme l’indique Denis DHALLUIN, « lorsqu’on met des jeunes volontaires en relation avec des associations, on a une attention particulière à ce que ce soit dans des associations de QPV, ou inversement, que ce soit des jeunes issus de quartiers. Il y a les deux entrées. »
- La vie associative et l’expérience bénévole comme vecteurs de l’insertion professionnelle
L’association est rarement vue comme telle, mais c’est un secteur où les opportunités d’emploi ne manquent pas ! En effet, sur la seule ville de Tourcoing, il existe près de 180 associations employeuses qui embauchent plus de 4 100 salariés. Les opportunités de trouver un emploi dans le secteur associatif sont donc réelles mais sont encore trop mal connues. Et c’est à cela que la MDA souhaite remédier en sillonnant le territoire pour mener des réunions d’informations dans tous les quartiers et faire découvrir ce qu’est la vie associative et les perspectives d’emploi dans ce secteur. Dans diverses réunions dans les quartiers, la MDA aborde ce thème de l’insertion professionnelle, qui est au centre des préoccupations des jeunes comme l’explique Agathe DEFRETIN : « On parle de plus en plus de la valorisation des compétences bénévoles, de comment elles peuvent être utiles dans une dynamique d’insertion professionnelle, quels mots il faut employer pour qualifier son engagement, etc. Et surtout, il faut rappeler que le monde associatif ce n’est pas que de la solidarité ou de l’humanitaire, il y aussi la possibilité d’y faire sa carrière professionnelle ». « Requapass est venu dans le prolongement de ce qu’on sentait sur ce dispositif. Ça nous permet de travailler les liens association, insertion professionnelle et compétences » explique Agathe.
Et ce travail s’essaime. En effet, il a récemment débouché sur un projet transfrontalier
Reqapass avec des acteurs Belges, wallons et flamands, dans le cadre du dispositif de l’Union Européenne Interreg. Le projet a pour ambition de développer de nouveaux outils de reconnaissance des parcours bénévoles et de mesurer l’impact des expériences bénévoles dans la zone transfrontalière. Il s’intègre pleinement dans le cadre de la nouvelle stratégie de l’Union Européenne sur l’acquisition des compétences qui doit permettre à chacun d’acquérir un large éventail de compétences et d’en tirer le meilleur parti. Ces capacités non formelles, difficiles à valoriser et à identifier sont déterminantes dans les parcours d’insertion. C’est pourquoi, le projet souhaite réaliser un porte-folio transfrontalier.
- Fédérer les énergies et les acteurs locaux
La lutte contre les discriminations est un enjeu de taille sur lequel la Maison des associations agit très concrètement comme l’explique Sarah DEROUET, animatrice du RALI (Réseau des Acteurs Locaux Impliqués) : « Sur Tourcoing, le rali discriminations existe depuis près de 20 ans. Il a été surtout mis en valeur par un festival appelé ‘‘Octobre en couleurs’’ qui avait lieu tous les deux ans, avec comme partenaires les centres sociaux, les MJC et pas mal d’associations. Aujourd’hui, il s’inscrit sur plusieurs thématiques : handicap, égalité des sexes, lutte contre l’homophobie, origines ethniques, accès au logement et à l’emploi… C’est intéressant parce que ça peut rassembler énormément d’associations ». Et c’est en effet dans ce sens que la Maison des associations souhaite agir. Dans son rôle d’animatrice locale, elle s’emploie à créer et fédérer un réseau d’acteurs locaux, de collectifs d’habitants ou associatifs, de partenaires institutionnels privés et publics impliqués dans la lutte contre les discriminations. Ce Réseau des Acteurs Locaux Impliqués (RALI) a pour objectif de toucher un large public sur le champ de la lutte contre les discriminations et l’égalité des droits, de susciter la participation de chacun, et tout particulièrement les habitants des QPV, aux actions et de donner aux acteurs les moyens de mettre en place des projets.
Et la Maison des associations applique désormais cette méthode pour créer un réseau sur le thème de l’environnement et du développement durable. L’objectif n’est pas de s’adresser uniquement aux acteurs de l’écologie mais bien de permettre à toutes les associations de s’intéresser et de s’impliquer sur ce sujet. Et malgré les a priori, les enjeux du développement durable aussi peuvent être vecteurs de participation pour les habitants des QPV comme l’explique Sarah DEROUET : « Avec les centres sociaux de la Bourgogne situés en QPV, il y a un projet de jardin coopératif. Des femmes du centre social ont envie de faire vivre ce jardin. Notre rôle peut, par exemple, être de développer les liens avec d’autres jardins. A Mouscron, il y a une ferme écologique, l’idée serait d’aller la visiter ».
- L’animation du conseil citoyen
A Tourcoing, le Conseil citoyen s’est mis en place tardivement. Il n’a vu le jour qu’en 2017 et reste encore aujourd’hui en phase de structuration. Bien qu’il existe six quartiers prioritaires sur le territoire, les acteurs locaux ont opté pour la création d’un seul conseil citoyen pour l’ensemble des quartiers. Il est donc composé de représentants de chacun des différents quartiers, même si actuellement, l’équilibre est imparfait avec des quartiers mieux représentés que d’autres. Les conseillers sont généralement impliqués dans leur quartier, bien souvent au travers d’un engagement associatif.
Les premières réunions du conseil ont été largement dédiées à créer de l’inter-connaissance entre les membres, base nécessaire pour une bonne coopération. Mais cette confiance ne se décrète et se construit lentement, tout particulièrement dans un contexte où chacun porte les préoccupations de son quartier d’origine. Il a donc fallu dépasser ces identités de quartiers pour créer une dynamique de travail en commun au service du conseil citoyen. Mais cette structuration n’est pas évidente comme en témoigne une réunion du conseil citoyen de début 2018. Beaucoup d’interrogations subsistent y compris sur le rôle du conseiller citoyen et la posture à adopter. Lors de la réunion, un conseiller citoyen évoque une posture qui semblait faire consensus « nous devons être des témoins de ce qui se passe dans les quartiers, nous devons être des lanceurs d’alerte pour dénoncer les problèmes ».
En effet, les conseillers trouvent toute leur légitimité dans ce rôle « d’experts de terrain ». Au contact de la population, ils souhaitent s’en faire les porte-voix, même si cette posture n’est pas toujours simple à trouver auprès des habitants. Et, en effet, les conseillers n’ont pas de difficulté à identifier les besoins. Les sujets fusent : accès aux services publics, l’emploi et la formation, les décrocheurs, le zéro déchet, le handicap, la propreté, la santé, etc. En deux heures, de nombreuses thématiques ont été évoquées qu’il s’agit désormais de prioriser pour voir quelles actions concrètes peuvent être menées.
Face à ces ambitions, la question des moyens refait régulièrement surface. Et elle est abordée dans toutes ses dimensions : le besoin de formation et l’appui de spécialistes (avocat, juriste) comme des moyens pour défendre et représenter au mieux les habitants, mais aussi des moyens de communication avec la nécessité de faire un flyer de présentation ou encore du temps supplémentaire avec l’appui d’un volontaire. Mais à l’heure actuelle, le besoin qui semble le plus criant pour le conseil citoyen est celui de l’accompagnement à la structuration et au fonctionnement. La Maison des associations a appuyé la création de l’association qui porte le conseil citoyen, l’occasion de déconstruire les préjugés sur le modèle associatif. Par exemple, le travail sur les statuts a écarté les statuts type, généralement proposé par la Préfecture, pour imaginer une organisation plus horizontale qui correspondait mieux aux attentes des conseillers. Les formations que propose la Maison des associations sont également de bons outils pour que les conseillers puissent monter en compétences et mieux exercer leur fonction. Mais au-delà de ces outils pratiques, le rôle de la Maison des associations comme tiers médiateur semble actuellement essentiel pour travailler sur les modes d’animation, garantir une écoute mutuelle et permettre au conseil citoyen de trouver son propre équilibre.
Début de 2019, la situation a quelque peu évolué comme l’explique Sylvain SCAMPS, accompagnateur du conseil citoyen « en 2018, le conseil citoyen a beaucoup évolué. Il y a eu de moins en moins de membres, de plus en plus de conflits entre des caractères forts et d’un seul coup, un bouleversement, un renversement de gouvernance. Les conseillers ont refusé de suivre le président en place. Ce qui a créé des remous au niveau de la politique. Mais les conseillers ont redéfini les statuts et le projet en mettant des priorités et un fonctionnement beaucoup plus consultatif et participatif. Et depuis, ça va beaucoup mieux ! Il y a des avancées, une volonté de faire ensemble et de nouveaux membres du conseil citoyen ».
« En 2018, le conseil citoyen a beaucoup évolué. Il y a eu de moins en moins de membres, de plus en plus de conflits entre des caractères forts et d’un seul coup, un bouleversement, un renversement de gouvernance. Les conseillers ont refusé de suivre le président en place. Ce qui a créé des remous au niveau de la politique. Mais les conseillers ont redéfini les statuts et le projet en mettant des priorités et un fonctionnement beaucoup plus consultatif et participatif. Et depuis, ça va beaucoup mieux ! Il y a des avancées, une volonté de faire ensemble et de nouveaux membres du conseil citoyen »
Et en effet, le conseil est désormais sur une nouvelle dynamique, avec un bureau renouvelé. Il souhaite travailler à partir de deux thématiques précises, l’emploi et le handicap, et par la mise en place d’actions concrètes. Par exemple, sur le handicap, le projet est de créer un forum dédié à la question, en partenariat avec le CCAS et d’autres partenaires. Cette action devrait voir le jour au mois de mars. Et le conseil souhaite mettre l’accent sur la communication. Il était donc représenté, avec un stand, lors du forum des associations de la ville organisé par la Maison des associations.
« Il y a eu en amont un travail sur la communication, un visuel, des flyers, un roll-up… Et ils ont touché entre 70 et 90 personnes intéressés par le Conseil » comme l’explique Sylvain SCAMPS. Mais ce nouvel élan que connaît le conseil a demandé un travail d’accompagnement de fond, tout particulièrement dans la période de transition.
« Quand c’était vraiment houleux, on a proposé des petits modules, des ateliers cohésion, etc. La formation c’est quelque chose qu’ils ne veulent pas entendre. Mais, on a été en appui, on a donné des conseils pour se structurer ».
Et la posture de l’accompagnateur en la matière est fondamentale. En l’occurrence, Sylvain SCAMPS a été très vigilent à ce que le fonctionnement précédent, très incarné, ne se reproduise pas. L’instauration d’un fonctionnement plus participatif a nécessité de rappeler régulièrement que l’intérêt du conseil prime sur les desideratas individuels. Mais aujourd’hui, le fonctionnement se structure. Des réunions de commissions ou de bureau se tiennent régulièrement par thématique pour avancer sur des actions concrètes et une fois par semestre, l’ensemble du conseil se réunit. Son rôle est de coordonner le travail et de fixer les feuilles de route des différentes commissions. Un système de cooptation des nouveaux membres a été mis en place comme l’explique Sylvain SCAMPS : « On est sur cette réflexion d’élargissement du conseil citoyen, de cooptation en fonction des compétences et surtout sur l’équilibre entre les territoires ».
Encourager l’engagement est une mission phare de la Maison des associations. C’est ce but qu’elle poursuivait avec le projet expérimental qu’elle souhaitait développer sur le quartier de Phalempins « A l’asso des quartiers ».
Il s’agissait d’aider les habitants, notamment les jeunes ou les moins engagés, à s’investir pour faire vivre leur quartier. En coconstruisant avec ces publics une boite à outils avec des fiches conseils, des contacts, la présentation des instances de participation, etc. l’objectif était de permettre aux habitants de s’investir concrètement dans une association, le conseil citoyen ou le conseil de quartier, participer aux démarches de démocratie participative, etc. Cet outillage permettait aux participants de découvrir les moyens de s’engager, de participer concrètement à la structuration d’outils largement diffusés dans le quartier et de devenir en quelque sorte des ambassadeurs de l’engagement dans leur quartier.
Et pour aller plus loin qu’un simple outillage, des rencontres régulières étaient prévus avec des acteurs clefs du territoire pour les faire découvrir aux habitants et permettre de tisser des liens concrets. L’Entreprise à but d’emploi, par exemple, était impliquée dans le projet. Ce qui prenait tout son sens, dans la mesure où cette structure emblématique des territoires zéro chômeurs de longue durée, part des compétences, des savoir-faire des individus pour identifier sur le territoire les travaux utiles à effectuer.
Pour développer ce projet, la Maison des associations est allée au-devant des différents partenaires concernés pour catalyser les énergies autour du projet comme l’explique Agathe DEFRETIN : « on avait pris un service civique, on avait commencé à faire du partenariat, à voir qui pouvait se fédérer sur cette action. On a organisé deux temps de rencontres, où la ville de Tourcoing était présente. Tout le monde était partant. On avait décidé que le point d’orgue du projet serait une fête de quartier, organisé par des riverains en octobre. Bref, on avait vraiment trouvé le sens ! Produire un outil qui est à disposition des citoyens pour prendre des initiatives dans un quartier et le lancer lors d’une fête d’habitants ».
Mais faute de financements, le projet n’a encore pu voir le jour. La Maison des associations réfléchit désormais à une autre manière de le mettre en œuvre via la Maison des associations jeunes en renforçant l’aspect « jeunesse ».
En s’appuyant sur les réalités de son territoire, la Maison des associations a adopté une logique d’actions diversifiées pour s’attaquer aux différents enjeux que rencontrent actuellement les QPV. En conjuguant l’action de collectifs habitants et d’associations, elle déploie des actions concrètes qui répondent bien aux enjeux locaux. Et dans une position d’interface, elle permet d’articuler les logiques institutionnelles des politiques publiques au service de l’initiative citoyenne locale.
N'hésitez pas a consulter l'article ci joint retraçant cette
journée d'étude territorial.