Les Maisons Des Associations ont pour but de soutenir et encourager l’action des associations locales en leur fournissant des outils pour répondre au mieux à leurs besoins. En effet, le rythme soutenu de créations d’associations témoigne d’un fort dynamisme associatif sur l’ensemble de la France. Celui-ci est cependant freiné par une relative fragilité des structures associatives (isolement, faiblesse des moyens, durée de vie parfois très brève), et par le morcellement des initiatives. Il se heurte également à la méconnaissance des dispositifs d’aide existants. Pour en discuter, des MDA et des professionnels du monde associatif se sont réunis en 2019, à l’occasion des Rencontres Nationales organisées par le RNMA, la ville de Caen et S3A, du 22 au 24 mai 2019.
Nouveaux usages, nouveaux besoins : quels enjeux en matière de locaux dans la construction ou la rénovation d’une Maison des associations ? C’est le thème qui a réuni les professionnels et responsables du monde associatif à Caen et Hérouville-Saint-Clair, du 22 au 24 mai 2019, à l’occasion des 50e rencontres nationales.
Table ronde : les enjeux de l’implantation d’une MDA
“Bonjour à toutes et à tous. La première table ronde a trait aux enjeux qui peuvent amener à implanter une MDA sur un territoire. Avant de donner la parole aux 3 intervenants, je vais tenter de définir ce que sont les enjeux d’implantation d’une Maison pour le RNMA. Lorsqu’une commune a conscientisé le fait que créer une Maison est un outil concourant au développement de la vie associative locale, il faut définir si un bâtiment doit être construit ou s’il faut rénover un bâtiment existant[...]” Plantait ainsi le décor, Grégory Authier du RNMA lors de la table ronde sur ce sujet. Dans les lignes qui suivent, plusieurs acteurs de la vie associative locale ont livré leur expérience du terrain en matière d’implantation de locaux associatifs.
Grégory Autier : Implanter une Maison à un endroit précis d’une ville est un choix politique, par quoi a-t-il été guidé ?
Marion NICOLAY-CABANNE, première adjointe au maire et vice-présidente du CCAS de la ville de Tours, déléguée à la vie associative et à la démocratie locale : “Il n’y avait pas de Maison des associations à Tours, c’était l’une de nos spécificités. Les associations étaient logées dans des locaux municipaux ou des locaux en location. Aucun lieu n’était dédié aux associations, il n’y avait pas de lieux ressources ; or, c’était une demande forte et récurrente de leur part.
Fin 2017, lors d’un changement de maire, nous avons décidé de créer rapidement une Maison des associations. Savoir où la placer a été une question que nous ne nous sommes pas posée très longtemps. Il y a plusieurs quartiers prioritaires à Tours : 7 dans la ville même et l’un d’entre eux est en centre ville. Dans ce quartier prioritaire en centre-ville, il existe un collège fermé il y a 5 ou 6 ans pour répartir les élèves dans 3 autres collèges, afin de l’ouvrir sur d’autres quartiers. Ce bâtiment était quasiment vide ; très rapidement, dans la partie administrative des locaux, nous avons créé une Maison de la réussite.
Elle s’adresse plus précisément aux jeunes des quartiers prioritaires, notamment dans le quartier où nous l’avons installée.
De plus, ce quartier a été retenu dans le cadre des plans nationaux de rénovation urbaine. Il s’agit vraiment d’un quartier prioritaire : 54 % de la population est en dessous du taux de pauvreté, il s’agit de grands ensembles des années 1970 plutôt en bon état, mais les équipements publics sont en déshérence. Les écoles n’ont pas fermé, car dans ces quartiers il y a beaucoup d’enfants, il y a même une augmentation de la population scolarisée. Mais les écoles comme les équipements sportifs sont en mauvais état. Ce n’est pas la collectivité qui décide de la limite d’un quartier prioritaire : elle passait juste à côté du bâtiment. Nous avons négocié avec l’État pour inclure une rue supplémentaire afin que la rénovation de l’ancien collège puisse bénéficier de financements. Les travaux sont en cours. Le rez-de-chaussée n’est pas vide, une crèche y est installée dans l’attente de la construction d’une crèche dans un autre quartier. C’est une opération tiroir : lorsque la crèche aura déménagé, nous pourrons ouvrir. Nous avons profité de ce temps pour co-construire avec les associations. Elles ont été sollicitées par questionnaire, des réunions publiques ont été organisées, les besoins ont été listés, des propositions ont été faites parmi lesquelles elles ont dû choisir. Nous allons ouvrir cette Maison des associations en décembre 2019. Nous avons choisi une date symbolique, le 5 décembre qui est la Journée internationale du bénévolat. Dans les étages, les travaux auront encore lieu, car le désamiantage n’est pas terminé. Nous avions vraiment la volonté d’être implantés dans ce quartier prioritaire.
D’abord parce qu’il est prioritaire, nous avons besoin de l’ouvrir. Ouvrir un quartier doit se faire dans les deux sens : les collégiens vont aller dans d’autres quartiers, mais des personnes d’autres quartiers doivent y entrer. La ligne actuelle de tram passe dans ce quartier, il en sera de même pour la deuxième ligne. Nous tenons beaucoup à avoir une vraie mixité d’usage dans les quartiers prioritaires.
Ce quartier est au centre-ville. C’est l’un des critères de choix par rapport à d’autres quartiers. La gare de Tours est en centre-ville, ce quartier prioritaire le touche. Ce quartier compte 3 000 habitants. Nous pensons réussir à faire venir des associations, car nous en ferons un véritable lieu de ressources. Nous ferons de l’hébergement pérenne pour les associations ressources, il y aura également des salles ouvertes à tous. Ce sera un soutien logistique, un lieu de formation, d’accompagnement, d’animation. Il y a pratiquement 3 000 associations à Tours, environ 200 se créent chaque année, mais elles se connaissent peu, car aucun lieu ne permettait des rencontres, des échanges. Nous n’avions même pas de Forum des associations, nous partions vraiment de très loin. Ce lieu d’animation est extrêmement important et très attendu. Le maire organise toutes les 3 semaines un déjeuner associatif auquel sont invités les présidents de 5 ou 6 associations dont les objets sont totalement différents. Tous les sujets de discussion sont abordés, cela leur permet de se connaître. Les associations demandent que ce type de rencontres se fasse plus souvent et qu’elles ne soient pas obligatoirement à l’initiative du maire.
Notre volonté est de créer un lieu d’animation interassociatif pour créer une dynamique et des projets interassociatifs. Nous avions commencé à proposer des formations intitulées : « Les ateliers de la vie associative ». Le résultat était bon, mais il n’existait pas de lieu dédié. Nous développerons ce projet dans ce lieu municipal, dont l’animation sera réalisée par des associations ressources très demandeuses, qui ont l’expérience, la compétence. Nous nous appuierons sur elles pour proposer ces temps de formation, d’animation répondant précisément aux besoins qui nous ont été transmis. Nous avions étudié une ou deux autres possibilités, mais ce lieu s’est imposé dès la première visite. Il y a des salles de classe de toutes les tailles. En dehors du désamiantage, nous avons très peu de travaux à faire pour que ce lieu soit habitable.”
Grégory Autier du RNMA : La Maison de Nanteuil-le-Haudouin vient d’intégrer le RNMA : quels critères vous ont amené à choisir un lieu pour implanter de nouvelles activités ?
Luc VILLEMANT : Directeur du Centre socio-culturel « Les Portes du Valois » - Nanteuil-le Haudouin : “Le Centre socio-culturel est implanté à Nanteuil-le-Haudouin, chef-lieu de 4 000 habitants, mais le nouveau lieu dédié aux associations, le Hang’art, n’est pas sur cette commune. Le canton de Nanteuil-le-Haudouin est à la limite de l’Île-de-France, la nationale 2 le traverse, les gares de la ligne SNCF ferment leurs guichets les unes après les autres. Beaucoup considèrent cet espace comme une ville-dortoir. De nombreux habitants y sont venus au cours des années précédentes avec l’espoir de vivre « la ville à la campagne ». Ils ne se sont pas aperçus ou ils se sont aperçus trop tard que certains services n’existaient pas, qu’il y avait des problèmes de mobilité, etc. Elles ne le sont probablement pas dans les mêmes proportions qu’à Tours et à Caen, mais les associations sont nombreuses : une centaine d’associations sur un canton de 20 000 habitants.
Dans leur grande majorité, leurs dirigeants sont retraités et responsables depuis 20 à 40 ans, ils commencent à baisser les bras. Les personnes extérieures au Centre socioculturel le considèrent comme agréable, car c’est une maison de ville, mais il est impropre à l’accueil du public et des associations. Nous continuons à y exercer nos activités, car c’est le seul lieu existant. Il y a 2 ans, nous avons loué un entrepôt de 500 m² pour stocker notre matériel et ainsi dégager des bureaux, des espaces destinés à l’accueil des salariés dans le bâtiment occupé par le Centre. Face à l’entrepôt, nous avons jugé que nous ne devions pas être les seuls à y avoir accès : il existe de nombreux projets, des demandes associatives qui ne peuvent pas être mises en œuvre. Ce bâtiment est à Boissy-Fresnoy, petite commune rurale de 1 000 habitants, à 5 km de Nanteuil le Haudoin. Il est réellement excentré, ce qui a conduit à mener une réflexion : comment cet espace peut-il accueillir de nouveaux projets, des associations nouvelles et anciennes ? Nous n’en sommes encore qu’aux prémices, mais l’enjeu économique existe pour revitaliser le territoire, créer de nouveaux emplois, proposer au public local des évènements culturels et d’autres activités. Nous voulions également donner de l’envie aux associations avec lesquelles nous travaillons. Par le biais du Hang’art, elles pourront développer des activités. L’inauguration a eu lieu en juin 2018, de nombreuses associations et particuliers envisagent d’y développer leurs activités professionnelles. L’intérêt principal du lieu est de pouvoir croiser toutes ses envies.
Concernant l’accès au lieu : Dans la campagne, le problème de la mobilité existe toujours. Le Centre social s’est équipé de minibus depuis très longtemps, nous travaillons également sur le covoiturage, etc. Sous-tendant l’implantation de ce lieu, il existe un projet de vie collective qui allie l’emploi, l’écocitoyenneté, le développement d’activités (un festival de théâtre porté par une association et le Centre social aura lieu grâce à l’existence de cet espace). Le rôle de ce nouveau bâtiment du Centre social est imaginé en grande partie comme devant être un espace d’aide logistique aux projets des autres.
En tant que Centre social, notre volonté est de donner leur part aux initiatives des habitants, lesquelles se retrouvent très souvent dans l’activité des associations. Notre rôle est donc également d’appuyer des associations, de leur permettre de donner vie à leurs projets. Ce lieu est conçu comme totalement ouvert, nous n’avons aucun projet prédéfini. C’est compliqué à vivre, notamment lorsque nous présentons ce projet à des élus. La seule idée claire et définie est d’être présent pour permettre aux autres d’avancer, de se développer.”
Grégory Autier du RNMA : La politique d’accompagnement de la vie associative de la Ville de Caen a été exposée par Sophie Sommnet à l’ouverture de ces rencontres. Son déroulé amenait à dire que la création de la Maison est la conséquence d’un projet conduit depuis quelques années par la collectivité. Nos Rencontres se déroulent dans ce nouveau bâtiment, « le 1901 », en plein quartier de la Guérinière : le choix de ce quartier a-t-il été guidé par des raisons autres que le fait d’être en QPPV (NDLR : Quartier prioritaire de la politique de la ville ?)
Sophie SIMONNET — Adjointe au maire de Caen en charge de la démocratie de proximité et de la vie associative :
“Il ne s’agissait pas simplement de poser une Maison sur un quartier. Il s’agit d’un acte politique, la Ville de Caen a défini ce qu’elle entendait par politique municipale d’accompagnement puis elle a choisi un lieu[...] Lorsque vous dites à une association caennaise telle qu’un club de bridge ou une association de concours de Scrabble que leur prochaine assemblée générale devra se dérouler à la nouvelle Maison des associations à la Guérinière, ce fait n’est pas très bien accueilli. Parmi les 5 quartiers prioritaires de Caen, la Guérinière est l’un de ceux dont on parle le plus en mal. Vous êtes non seulement au cœur d’un QPPV portant tout un imaginaire, mais aussi au sein du « Triangle d’or » : la mosquée, l’EHPAD, le terrain des Gens du voyage. Il se trouve que la Ville est propriétaire du terrain sur lequel la nouvelle Maison a été construite. Notre choix un peu osé et volontaire est sous-tendu par plusieurs raisons. La Guérinière n’est pas le quartier le plus en difficulté, mais il a la plus mauvaise image. Faire venir des personnes qui n’y seraient jamais venues est un enjeu très fort pour obtenir un changement d’image.
De plus, nous ne souhaitons pas uniquement faire transiter des personnes extérieures, mais bien voir mener des activités avec les gens de ce quartier. Installer des associations publiques et parapubliques dans des quartiers en difficulté, nous le faisons tous : généralement, elles vivent en intruses, aucun lien n’est créé. Nous espérons que « le-1901 » vivra avec le quartier : c’est un défi. Nous ne savons pas encore comment nous réussirons à faire le lien avec les associations, par exemple celles d’habitants qui commencent à s’approcher sans encore créer de lien. Un Forum de l’emploi s’est tenu avec tous les acteurs du quartier en septembre 2018.
La possibilité d’obtenir des financements entre également en compte. Il y a des financements spécifiques aux quartiers prioritaires. Nous n’avons pas été très performants, car nous n’avons pas fait toutes les demandes possibles. Le financement est essentiellement municipal et nous avons eu une subvention du Conseil départemental de 300 000 € sur un budget global de 3,5 M€. L’apport départemental a été possible parce qu’il s’agit d’un projet dans un QPV, mais aussi parce que nous voulons créer du lien social. Je pense que nous aurions pu avoir le même type de subvention « Politique de la ville » du Conseil régional, mais nous avons avancé trop rapidement et nous n’y avons pas pensé. Nous portons un autre projet dans un autre quartier prioritaire, et nous n’oublierons de solliciter aucun des financeurs potentiels.”
Grégory Autier du RNMA : Existait-il d’autres possibilités ou l'implantation dans ce quartier a semblé évidente pour les raisons qui viennent d’être évoquées dont l’une est le changement d’image du quartier ?
“Il y a un historique. Certains d’entre vous ont participé à des Rencontres il y a 5 ans dans l’ancienne MDA qui était au cœur du centre-ville. L’image était totalement différente, ce qui explique la difficulté de faire venir des associations à la Guérinière. Comme beaucoup d’autres villes, nous avons des associations présentes dans d’anciens collèges, il y a eu une tentative de rénover l’un de ces établissements sur une parcelle peu éloignée du centre-ville. C’est une parcelle intéressante, si la Ville décide un jour de la vendre. Ce projet n’a pas abouti pour une raison essentielle qui est l’énergétique. Ce fut une catastrophe pour cet ancien collège attribué à des associations notamment culturelles. Nous avions rénové la moitié de l’établissement avant d’abandonner le projet, de vider ce site (toutes les associations ont emménagé dans l’actuelle MDA). Finir les travaux correspondait à une dépense d’environ 1 M€, notons que le budget de construction de la nouvelle MDA est plus important.
Aujourd’hui, pour une collectivité, le financement n’est pas un volet anecdotique. Les collectivités territoriales ont signé un contrat avec l’État. Il leur interdit d’augmenter leurs coûts de fonctionnement de plus de 1,2 % par an : nous devons trouver comment investir pour diminuer nos coûts de fonctionnement. La création d’un bâtiment neuf correspond à cette logique : la Ville va se dessaisir de l’ancien collège, plusieurs petites Maisons « historiques ont été vendues, nous nous dessaisirons également de petits lots trop onéreux de patrimoine immobilier. La construction de la nouvelle MDA est portée également par une volonté d’optimisation financière.”